Dimìtris Houliaràkis – La boîte noire

•mars 2, 2023 • Laissez un commentaire

La boîte noire de notre vie
qui la trouvera dans les débris calcinés
qui l’en sortira délicatement et qui
se penchera sombrement sur elle
pour étudier les causes de la tragédie ?

Et quand bien même, à quoi bon, puisque
est arrivé ce qui devait arriver
puisque tout pâles nous retournons sur le dallage
défoncé de nos jeunes années
sans plus connaître personne
sans rien chercher.

Ainsi donc mieux vaut qu’elle disparaisse
notre boîte noire
qu’elle pourrisse quelque part dans les champs
que l’herbe sur elle s’étende muette
et totalement la recouvre
ne laissant qu’un renflement du sol
et c’est tout.

***

Dimìtris Houliaràkis – Traduit du grec par Michel Volkovitch.

Anna Akhmatova – Il fait bon ici…

•mars 1, 2023 • Laissez un commentaire

Il fait bon ici : craquant, crissant,
Le gel, chaque matin plus dur,
Flamme blanche un buisson
D’éblouissantes roses de glace s’incline.
Et sur l’épaisse neige d’apparat,
Une trace de ski rappelle
Qu’il y a bien des siècles
Nous avons passé ici, toi et moi.

Hiver 1922

***

Anna Akhmatova (1889-1966)L’églantier fleurit et autres poèmes (La Dogana, 2010) – Traduit du russe par Marion Graf et José-Flore Tappy.

Catherine Lane – Je bois le rouge

•février 27, 2023 • Laissez un commentaire

Je bois le rouge
je veux le rouge
je vois le rouge

Dans la chambre vermeille
tendue de carmin
tel un rubis
le lit

Fiévreusement j’y plonge
dans la lumière écarlate
l’air palpite

L’orangé du couchant
attise le flamboiement
des heures

Je mets du rose
sur mes bleus
du feu sur l’eau

Je bois le feu
des fraises sur tes lèvres
le rouge me dévore

Ivre du sang d’une fleur 
rouge pourpre éclatante
Carmen

Octobre 2021

***

Catherine Lane (née en 1954 à St-Hilaire, Québec)

Luciano Erba – L’autre moitié

•février 20, 2023 • Laissez un commentaire

Loin de manquer, les signaux abondent
leur sens m’échappe, sont-ils trop nombreux ?
un seul verdict à la fin, me reste :
tu traverses la moitié d’un charme.

il suffirait d’un petit pas, bien calibré,
d’une lueur à peine entrevue
et le silence alors aurait le sens contraire
ce serait l’autre moitié.

*

L’altra metà

Non mancano i segnali, anzi in eccesso,
mi sfugge il loro senso, sono troppi ?
alla fine mi resta un solo responso :
stai attraversando un incanto a metà.

Basterebbe un piccolo passo, di misura,
una luce appena intravista
allora il silenzio sarebbe opposto
sarebbe l’altra metà.

****

Luciano Erba (1922-2010) – Traduit de l’italien par Martin Rueff.

Tristan Tzara – Signal

•février 19, 2023 • Laissez un commentaire

entre les trames bridées d’une robuste légende
mon vers hésite au delà des pas
la route me happe à l’étincelant tournant
dans les mailles cahotantes où le mal engrenant
engloutit la clé de ma raison errante
malle vide abandonnée dans la brumeuse hôtellerie du sort
sur les routes — faut-il que je les parcoure toutes —
qui n’a pas encore trouvé sa dalle arrosoir de mélancolie
pourquoi t’ai-je quittée — de la prodigue tristesse marquée
que tu guérisses aussi vite que la parole du lumineux est vraie
l’oiseau à ta trace accroché de nuit élaboré
tête de flèche a glissé plaintif archet le long du rail
la nuit a éteint la vive distance en berne
versant des seaux de terre entre nos éveils de flamme se dresse

je ne puis pas t’écrire
je suis trop sale du mélange de sommeil de suie
que le train a agité pendant toute la nuit
dans la bouteille de la nuit
et pourtant les paysages juxtaposés aux solennelles indécisions des hanches
par mille détours de croupissantes ciselures te feraient comprendre
qu’entre l’amour et la maudite coïncidence
j’ai planté le grain de ton savoureux chagrin
mais nous sommes si éloignés de la chantante étreinte
qui unit à l’amitié la chair flexible de destins

les couloirs du wagon sont sales
les coussins se durcissent sous nos têtes comme nos têtes
et le pouvoir de celui qui nous envoie à travers le monde
en longues files d’orages migrateurs
dans ses canots et ses trains de calcinants sortilèges
annonce l’éclipse des voix au thermomètre de nos veines
vois nos veines
chahutés basculés sursauts que la balance entraîne
mais quelle obscurité soudain enlève les couleurs comme des chemises
aux collines voluptueuses
leurs chemises
la lumière de tes cheveux étouffe dans le tunnel
et le tunnel

***

Tristan Tzara (1896-1963)

Theodore Roethke – Le réveil

•février 18, 2023 • Laissez un commentaire

Je me réveille pour m’endormir et ralentis mon réveil.
Je sens mon destin dans ce que je ne peux craindre.
J’apprends en allant là où je dois aller.

Nous pensons en ressentant. Qu’y a-t-il à savoir ?
J’entends mon être danser d’une oreille à l’autre.
Je me réveille pour m’endormir et ralentis mon réveil.

De ceux qui sont si proches de moi, qui êtes-vous ?
Que Dieu bénisse le sol ! J’y marcherai doucement,
Et j’apprendrai en allant là où je dois aller.

La lumière prend l’arbre ; mais qui peut nous dire comment ?
Le ver humble monte un escalier en colimaçon ;
Je me réveille pour m’endormir et ralentis mon réveil.

La grande nature a autre chose à faire
pour vous et moi ; alors prenez l’air vif,
Et, charmant, apprenez en allant où aller.

Cette secousse me maintient stable. Je devrais le savoir.
Ce qui tombe est toujours. Et est proche.
Je me réveille pour m’endormir et ralentis mon réveil.
J’apprends en allant là où je dois aller.

*

The Waking

I wake to sleep, and take my waking slow.
I feel my fate in what I cannot fear.
I learn by going where I have to go.

We think by feeling. What is there to know?
I hear my being dance from ear to ear.
I wake to sleep, and take my waking slow.

Of those so close behind me, which are you?
God bless the Ground! I shall walk softly there,
And learn by going where I have to go.

Light takes the Tree; but who can tell us how?
The lonely worm climbs up a winding stair;
I wake to sleep, and take my waking slow.

Great Nature has another thing to do
To you and me; so take the lively air;
And, lovely, learn by going where to go.

This shaking keeps me steady. I should know.
What falls away is always. And is near.
I wake to sleep, and take my waking slow.
I learn by going where I have to go.

***

Theodore Roethke (1908–1963) – Traduit de l’américain par ?

Horacio Castillo – Navigateur solitaire

•février 17, 2023 • Laissez un commentaire

À présent, chaque mille que je naviguerai vers l’ouest
m’éloignera de tout. Pas le moindre signe
de vie : ni poissons, ni oiseaux, ni sirènes,
ni cafard zigzaguant sur la couverture.
Seulement l’eau et le ciel, l’horizon détruit,
la mer, qui chante toujours comme moi la même chanson.
Ni poissons, ni oiseaux, ni sirènes,
ni cette étrange conversation sur la sentine
que perçoit l’oreille aux heures de calme.
Seulement l’eau et le ciel, le roulis du temps.
La nuit, l’étoile Achernar apparaît sur la proue ;
entre les haubans, Aldébaran ; à tribord,
un peu plus haut que l’horizon,
le Bélier. Alors j’amène, je dors. Et le néant,
avec délicatesse, vient manger dans ma main.

*

Navegante solitario

Desde ahora, cada milla que navegue hacia el oeste
me alejará de todo. Han desaparecido las señales
de vida: ni peces, ni pájaros, ni sirenas,
ni una cucaracha zigzagueando en la cubierta.
Sólo agua y cielo, el horizonte destruido,
el mar, que canta como yo siempre la misma canción.
Ni peces, ni pájaros, ni sirenas,
ni esa extraña conversación en la sentina
que el oído percibe en las horas de calma.
Sólo agua y cielo, el rolido del tiempo.
A la noche, la estrella Achernar aparece en la proa;
entre los obenques, Aldebarán; a estribor,
un poco más arriba del horizonte,
Aries. Entonces, arrío, duermo. Y la nada,
mansamente, viene a comer de mi mano.

***

Horacio Castillo (1934–2010)Alaska (Libros de Tierra Firme, 1993) – Traduit de l’espagnol par ?

Paul Vallée – Amis qui passez sous le vent

•février 16, 2023 • Laissez un commentaire

                I

Brûlent nos amis
Incomplètes sont leurs cendres
Ils sont comme les saints
Que nous vénérons en secret
Leur feu est pur et lent
Et s’étend en cercles de forces
Et lorsqu’ils nous quittent enfin
Ils laissent en nous
Dans le cercle
De leur disparition
Un feu que nous éprouvons
Jusqu’à la perte

                II

Aux heures de doute
Que donnons-nous
À nos amis
Sinon un bout de chanson à boire
Et un peu d’or volé au temps
Sinon un bras pour traverser une rue
Dans le plein midi
Et une lame pour trancher
En toute équité
L’impossible litige

                III

Laissons se déposer
Au fond de nous
Les images de nos amis disparus
Leur chute lente et imperceptible
Est une chute d’images
Une descente en flammes
Où une rose
Brûle les degrés
De l’Enfer
Et traverse notre nuit
Pour illuminer notre coeur divisé

                IV

La plus humble prière
Et un ami
Pour mourir
Sont la mesure incertaine
De toute chose
Le point d’élévation
Où nous finissons
Par disparaître complètement
Pour nous établir
Au sommet
De ce que nous sommes
Dangereusement                   

***

Paul Vallée (Ayer’s Cliff 1970-2002)

Jack Micheline – Un jour de nuit tordue

•février 15, 2023 • Laissez un commentaire

Je veux du vin
les cailloux dans ma tête ne se transformeront pas en pain.
Aujourd’hui c’est mon anniversaire cinquante-six ans et tout ce que je possède c’est une poche vide.
Ma vieille figure de poivrot est toute vérolée et balafrée.
Je tremble méchamment de tous mes membres dans cette foutue brise glaciale.
Ai voyagé loin avec une centaine de guitares
la petite musique dans mon crâne vacille et s’éteint.
Me suis traîné sur une béquille sur plus de dix mille kilomètres
à chercher des sourires
à fredonner des mélodies
pâtée pour chien couteaux de cuisine néon éblouissant dans le fauteuil d’un coiffeur.
Mes gosses sur la route depuis très longtemps et ma femme complètement dérangée depuis tant d’années.
Le bleu du ciel c’est à travers des picrates rouge sang que je l’ai regardé
désir vampire vivant ma vie
avec le Christ.
La mort m’a pourchassé ici et là.
La vie en moi s’éteint vite.
Faut que je me colle à la route la route la route
tirer sur mon mégot
c’est toujours trop long quand je suis parti parti parti
Aujourd’hui c’est mon anniversaire et le blé ne va pas pousser dans ma tête
je veux du vin
du vin
du vin

***

Jack Micheline (1929-1998)Un fleuve de vin rouge ((Dernier Télégramme, 2013) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Alain Suel.

Grégory Rateau – Quand dehors…

•février 14, 2023 • Laissez un commentaire

Quand dehors
l’appel brûlant des vivants
trop loin, trop proche
je plonge mes yeux de spectre dans ceux de mes ancêtres
deux mondes pour sceller le même cercueil
chacun devenant le fantôme de l’autre
photos écornées de visages énigmatiques
des histoires à réinventer
langue morte dont le sens se perd
alors que je me terre à Palerme
dans cette chambre minuscule
pastiche d’un chez-moi
où j’occupe la même place côté droit
le bureau sous la fenêtre
en contre-plongée de la vie
les cris du marché
l’envie de repousser les murs
mais je n’en fais rien
je m’acharne à donner du sens
le verbe ratatiné
qui donc racontera mon histoire ?

***

Grégory Rateau (né en 1984 à Drancy)Imprécations nocturnes (Conspiration Éditions, 2022)

 
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fragm

secousse sismique travaillant l’épaisseur d’une lentille de cristal, cette fin du monde de poche s’exprimait tout entière dans la syllabe fragm, identique de “diaphragme” à “fragment”, comme une paillette pierreuse qu’on retrouve pareille à elle-même dans des roches de structures diverses mais dont les éléments principaux, de l’une à l’autre, demeurent constants (Michel Leiris)

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Even when Death inhabits a poem, he does not own it. He is a squatter. In fact, Death owns nothing. - Todd Moore

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