Ossip Mandelstam – Un corps me fut donné (1913)
Un corps me fut donné – pour quelles fins? –
Ce corps qui est un seul, tellement mien.
Ce bonheur serein, vivre et respirer,
Qui, dites-moi, dois-je en remercier?
Je suis le jardinier, la fleur aussi,
Au cachot du monde point seul ne suis.
Mon souffle, ma chaleur ont embué
Déjà la vitre de l’éternité.
Si du dessin s’y incrustent les traits,
L’instant d’après nul ne les reconnaît.
Que de l’instant s’écoule la buée!
La chère esquisse n’en sera brouillée.
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Ossip Mandelstam (1891-1938) – La Pierre (1913)