Mário de Sá-Carneiro – Comment je ne possède rien (Como eu não possuo, 1913)
Je regarde autour de moi. Ils possèdent tous-
Une amitié, un sourire, un baiser.
Je suis le seul dont les désirs se diluent,
Et même dans l’étreinte, je ne possède rien.
De loin en loin m’effleure la théorie
Des spasmes aux teintes rouille éructés ;
Ce sont des extases à me faire trembler,
Mais avant même de les sentir, se fige mon âme!
Je veux sentir. Je ne sais… Je me perds tout entier…
Je ne puis être moi, ni me lier à autrui :
Je manque d’égoïsme pour monter au ciel,
Je manque d’onction pour sombrer dans la vase.
Je ne suis l’ami de personne. Pour cela,
Il me faudrait d’abord posséder
Quelqu’un à estimer –homme ou femme,
Mais jamais je ne parviens à posséder !…
L’âme châtrée, inapte à me fixer,
Soir après soir en ma douleur je sombre…
Serais-je un émigré d’un autre monde
Inapte à sentir dans sa propre douleur ?…
Comme je la désire, celle qui passe dans la rue,
Agile, agreste, et faite pour l’amour !…
Ah, me mêler à sa nudité,
La boire en spasmes de couleur et d’harmonie !…
Je désire dans l’erreur… Si un jour elle était toute à moi,
Sans voile aucun, dans les débordements
De sa chair stylisée sous mon corps haletant,
Pas même ainsi – ô fièvre du désir ! – elle ne serait à moi…
Dans l’agonie seulement je pourrais vibrer
Sur son corps aux extases dorées,
Si j’étais ces seins là, révulsés,
Si j’étais ce sexe agglutinant…
Tout entier contre mon amour je me rue,
Même dans la victoire, je me vois en déroute :
Car, de sentir et d’être, il ne me restera
Que cette possession de rien où je me démène.
*
Como eu não possuo
Olho em volta de mim. Todos possuem —
Um afecto, um sorriso ou um abraço.
Só para mim as ânsias se diluem
E não possuo mesmo quando enlaço.
Roça por mim, em longe, a teoria
Dos espasmos golfados ruivamente;
São êxtases da cor que eu fremiria,
Mas a minhalma pára e não os sente!
Quero sentir. Não sei… perco-me todo…
Não posso afeiçoar-me nem ser eu:
Falta-me egoísmo para ascender ao céu,
Falta-me unção pra me afundar no lodo.
Não sou amigo de ninguém. Pra o ser
Forçoso me era antes possuir
Quem eu estimasse — ou homem ou mulher,
E eu não logro nunca possuir!…
Castrado de alma e sem saber fixar-me,
Tarde a tarde na minha dor me afundo…
Serei um emigrado doutro mundo
Que nem na minha dor posso encontrar-me?…
Como eu desejo a que ali vai na rua,
Tão ágil, tão agreste, tão de amor…
Como eu quisera emaranhá-la nua,
Bebê-la em espasmos de harmonia e cor!…
Desejo errado… Se a tivera um dia,
Toda sem véus, a carne estilizada
Sob o meu corpo arfando transbordada,
Nem mesmo assim — ó ânsia! — eu a teria…
Eu vibraria só agonizante
Sobre o seu corpo de êxtases doirados,
Se fosse aqueles seios transtornados,
Se fosse aquele sexo aglutinante…
De embate ao meu amor todo me ruo,
E vejo-me em destroço até vencendo:
É que eu teria só, sentindo e sendo
Aquilo que estrebucho e não possuo.
Paris, mai 1913
***
Mário de Sá-Carneiro (1890-1916) – Poésies complètes (Minos, La Différence, 2007) – Préface de Teresa Rita Lopes – Traduit du portugais par Dominique Touati et Michel Chandeigne.
Bel altruisme qui se morfondrait ???
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….Et aussi quel dilemme !! (merci la vie et……. monsieur le poète !)
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