Robert Juarroz – Nous rêvons d’un lecteur parfait (Soñamos con un lector perfecto, 1994)
Nous rêvons d’un lecteur parfait.
Supérieur à nous.
Meilleur aussi que la propre lecture faite par nous-même.
Nous écrivons pour lui même s’il n’existe pas.
Nous ne pouvons pas ne pas ressentir sa présence cachée derrière ce silence que les mots entraînent comme une tunique fendue.
Si nous persistons dans ce métier désolé d’ériger des tours sans échafaudage,
peut-être que le lecteur absent se réveillera un jour là où le lecteur n’est plus nécessaire, puisqu’à la fin toute lecture se lit seule.
*
Soñamos con un lector perfecto.
Superior a nosotros.
Mejor aun que la propia lectura
de nosotros mismos.
Para él escribimos,
aunque no exista.
No podemos dejar de sentir
que se esconde detrás de ese silencio
que arrastran las palabras
como una túnica partida.
Quizás si persistimos
en este oficio desolado
de elevar torres sin andamios,
el lector que no existe
despierte alguna vez
allí donde el lector
ya no es necesario
porque al final toda lectura se lee sola.
***
Roberto Juarroz (1925-1995) – Decimocuarta poesía vertical (1994) – Quatorzième poésie verticale (José Corti, 1997) – Traduit de l’espagnol par Silvia Baron Supervielle.
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~ par schabrieres sur août 25, 2011.
Publié dans Roberto Juarroz, Silvia Baron Supervielle
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