Jorge Luis Borges – Simplicité (Llaneza, 1923)
La grille du jardin s’ouvre
Avec la docilité d’une page
Qu’interroge une fréquente dévotion.
J’entre dans la maison, et mes regards
N’ont pas besoin d’observer des objets
Qui sont déjà totalement dans la mémoire.
Je connais bien les habitudes et les âmes
Et ce dialecte d’allusions que va tissant
Tout groupement humain.
Je n’ai pas besoin de parler
Ni de feindre des privilèges ;
Ils ne m’ignorent pas ceux qui m’entourent,
Ils savent bien mes angoisses et ma faiblesse.
C’est là toucher à ce qu’il y a de plus haut
A ce que peut-être nous donnera le Ciel :
Non le prestige ni les victoires
Mais seulement d’être admis
Comme une partie de la Réalité indéniable,
Comme les pierres et les arbres.
*
Llaneza
(A Haydée Lange)
Se abre la verja del jardín
con la docilidad de la página
que una frecuente devoción interroga
y adentro las miradas
no precisan fijarse en los objetos
que ya están cabalmente en la memoria.
Conozco las costumbres y las almas
y ese dialecto de alusiones
que toda agrupación humana va urdiendo.
No necesito hablar
ni mentir privilegios;
bien me conocen quienes aquí me rodean,
bien saben mis congojas y mi flaqueza.
Eso es alcanzar lo más alto,
lo que tal vez nos dará el Cielo:
no admiraciones ni victorias
sino sencillamente ser admitidos
como parte de una Realidad innegable,
como las piedras y los árboles.
***
Jorge Luis Borges (1899-1986) – Ferveur de Buenos Aires (Fervor de Buenos Aires, 1923) – L’or des tigres (Gallimard, 1976) – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Nestor Ibarra.
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~ par schabrieres sur janvier 21, 2012.
Publié dans Jorge Luis Borges, Nestor Ibarra
Étiquettes: borges, Nestor Ibarra, simplicité
3 Réponses to “Jorge Luis Borges – Simplicité (Llaneza, 1923)”
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Belle citation sur le jardin et la grille.
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Un poème d’une intelligence extraordinaire, l’un des plus beaux que j’ai lu de Borges
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[…] 2. Simplicité […]
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La paroi aveugle (intervalles n. 1) | décalages et metamorphoses said this on juin 9, 2013 à 11:14 |