António Ramos Rosa – Celui qui écrit (Quem escreve, 1989)
Celui qui écrit veut mourir, veut renaître
dans un bateau ivre au calme abandon.
Celui qui écrit veut dormir dans des bras matinaux
et dans la bouche des choses être une larme animale
ou le sourire de l’arbre. Celui qui écrit
veut être terre sur la terre, solitude
adorée, resplendissante, odeur de mort
et rumeur du soleil, la soif du serpent,
le souffle sur le mur, les pierres sans chemin,
le midi obscur tombant sur les yeux.
*
Quem escreve quer morrer, quer renascer
num ébrio barco de calma confiança.
Quem escreve quer dormir em ombros matinais
e na boca das coisas ser lágrima animal
ou o sorriso da árvore. Quem escreve
quer ser terra sobre terra, solidão
adorada, resplandecente, odor de morte
e o rumor do sol, a sede da serpente,
o sopro sobre o muro, as pedras sem caminho,
o negro meio-dia sobre os olhos.
***
António Ramos Rosa (1924-2013) – Accords (Acordes, 1989) – Traduit du portugais par Michel Chandeigne
Je publie ce poème pour rendre hommage au poète portugais António Ramos Rosa qui vient de quitter ce monde où, comme le disait Ghérasim Luca, il n’y a plus de place pour les poètes.
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schabrieres said this on septembre 25, 2013 à 12:17 |
« Dans le mot vivre, il y a le mot ivre »
(Edmond Jabès, Le livre des Questions II)
C’est pourquoi dans ce paysage sublime je m’enivre.
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Antigone said this on septembre 25, 2013 à 4:40 |
Ça m’a fait pensé à ça
http://m.youtube.com/watch?v=3aIW0sWUpZs&desktop_uri=%2Fwatch%3Fv%3D3aIW0sWUpZs
ENIVREZ-VOUS
Il faut être toujours ivre, tout est là ; c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront, il est l’heure de s’enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.
(In Les petits poèmes en prose)
Au plaisir de vous lire
Vincent
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Vincent said this on septembre 29, 2013 à 9:02 |
Il y a en effet des similitudes entre le superbe poème de Baudelaire et celui d’António Ramos Rosa. Dans les deux cas, il y a la volonté de fusionner avec la nature, avec les éléments, d’être hors du temps, pour ne plus être l’esclave martyrisé du temps, échapper au vicissitudes du quotidien.
Les grands poètes choisissent avant tout de s’enivrer de poésie, et de vivre une vie dionysiaque pour être en symbiose avec le monde qui les entoure.
Merci à vous pour la magnifique vidéo de Serge Reggiani.
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schabrieres said this on septembre 30, 2013 à 12:02 |
Merci pour vos commentaires éclairés et pour vos citations. Cela fait plaisir de savoir qu’il existe encore des amateurs de poésie. Je suis surpris par le fait que vous citiez Edmond Jabès car j’ai récemment découvert cet auteur qui a l’air très intéressant et que René Char et Albert Camus tenaient en haute estime. Aujourd’hui je publie justement un texte de Jabès tiré du « Livre des questions ». Cordialement
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schabrieres said this on septembre 26, 2013 à 2:30 |
C’est moi qui vous remercie pour ces poésies qui embellissent encore la vie; il faut y croire: le monde est beau, et les poètes n’ont pas fini de nous le dire; il suffit de lire votre blog si éclairé.
J’ai achevé la lecture du Livre des Questions I et II assez récemment: une lecture qui est un pont magnifique reliant humanisme, poésie et philosophie. Je ne suis pas encore remise de cette lecture bouleversante.
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Antigone said this on septembre 27, 2013 à 2:44 |
Et le regard posé sur tes larmes.
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Laurent Pasquelin said this on octobre 7, 2018 à 6:38 |