Alda Merini – Les plus beaux poèmes…
Les plus beaux poèmes
s’écrivent sur les pierres
genoux écorchés,
esprit aiguisé par le mystère.
Les plus beaux poèmes s’écrivent
devant un autel vide,
encerclés par des agents
de la divine folie.
Ainsi, fou criminel que tu es
tu dictes des vers à l’humanité,
vers de la rescousse
et prophéties bibliques
tu es frère de Jonas.
Mais dans la Terre Promise
où germent les pommes d’or
et l’arbre de la connaissance
Dieu n’est jamais descendu ni ne t’a jamais maudit.
Toi si, tu maudis
heure par heure ton chant
car te voilà descendu dans les limbes
où tu respires l’absinthe
d’une survie refusée.
*
Le più belle poesie
si scrivono sopra le pietre
coi ginocchi piagati
e le menti aguzzate dal mistero.
Le più belle poesie si scrivono
davanti a un altare vuoto,
accerchiati da agenti
della divina follia.
Così, pazzo criminale qual sei
tu detti versi all’umanità,
i versi della riscossa
e le bibliche profezie
e sei fratello a Giona.
Ma nella Terra Promessa
dove germinano i pomi d’oro
e l’albero della conoscenza
Dio non è mai disceso né ti ha mai maledetto.
Ma tu sì, maledici
ora per ora il tuo canto
perché sei sceso nel limbo,
dove aspiri l’assenzio
di una sopravvivenza negata.
*
The most beautiful poems
are written on stones
with bleeding knees
and the mind sharpened by mystery.
The most beautiful are written
in front of an empty altar,
surrounded by agents
of divine folly.
So that, criminally insane as you are,
you dictate verses to humanity,
the verses of redemption
and biblical prophecies,
and you are Jonah’s brother.
But God did not descend and did not damn you
in the Promised Land
where the golden apples
and the tree of knowledge grow.
But you did, you damn
hour by hour your song
because you have descended into limbo,
where you inhale the absinthe
of survival denied.
***
Alda Merini (Milan, Italie, 1931-2009) – La terre sainte (La terra santa, 1984) – Traduit de l’italien par Viviane Ciampi.
Je vous recommande un poème du même auteur « psychiatrie »qui se trouve en commentaire du poème de Juliet Charles (poème, 2012). C’est un poème très sensible. On y desselle une relation empreinte d’une grande humanité (on dit « humanité » pour ne pas dire amour) entre elle et son médecin psychiatre. Rien à voir avec le regard que portait Artaud sur les psychiatres qu’il s’agisse du sien ou de celui de Van Gogh.
Dans le poème psychiatrie, Alda MERINI parle de « sortir de l’enfer des sens qu’est la vie », Artaud écrit lui » Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer. » Le suicidé de la société. Ils disent tous deux la souffrance de la maladie mentale. Giauque est aussi très évocateur de cette souffrance « …puis la chute
le démembrement
l’âme convulsée
qui ne se reconnaît plus
le vitriol de l’angoisse
qui étend ses ramifications
jusqu’aux racines du cœur… »
Des poètes de premier rang. Pour en revenir à ce poème on peut se demander si les plus beau poèmes ne s’écrivent pas lorsqu’on est pas au pied du mur ….
de l’hôpital psychiatrique.
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