Czesław Miłosz – Confession (Wyznanie, 1985)
Seigneur Dieu, j’ai aimé la confiture de fraise
Et la sombre douceur du corps féminin.
Comme aussi la vodka glacée, les harengs à l’huile,
Les parfums : la cannelle et les clous de girofle.
Quel prophète puis-je donc faire ? Pourquoi l’esprit
Aurait à visiter quelqu’un de pareil ? Tant d’autres
A bon droit furent élus dignes de confiance.
Mais moi qui me croirait ? Car ils ont vu
Comme je me jette sur la nourriture, vide les verres,
Et regarde avidement le cou de la serveuse.
En défaut et conscient de l’être. Désireux de grandeur,
Sachant la reconnaître où qu’elle soit,
Et pourtant d’une vue pas tout à fait claire.
Je savais ce qui reste pour les moindres comme moi :
Le festin des brefs espoirs, l’assemblée des fiers,
Le tournoi des bossus, la littérature.
*
Wyznanie
Panie Boże, lubiłem dżem truskawkowy
I ciemną słodycz kobiecego ciała.
Jak też wódkę mrożoną, śledzie w oliwie,
Zapachy: cynamonu i goździków.
Jakiż więc ze mnie prorok? Skąd by duch
Miał nawiedzać takiego? Tylu innych
Słusznie było wybranych, wiarygodnych.
A mnie kto by uwierzył? Bo widzieli
Jak rzucam się na jadło, opróżniam szklanice,
I łakomie patrzę na szyję kelnerki.
Z defektem i świadomy tego. Pragnący wielkości,
Umiejący ją rozpoznać gdziekolwiek jest,
A jednak niezupełnie jasnego widzenia,
Wiedziałem co zostanie dla mniejszych, jak ja:
Festyn krótkich nadziei, zgromadzenie pysznych,
Turniej garbusów, literatura.
*
A Confession
My Lord, I loved strawberry jam
And the dark sweetness of a woman’s body.
Also well-chilled vodka, herring in olive oil,
Scents, of cinnamon, of cloves.
So what kind of prophet am I? Why should the spirit
Have visited such a man? Many others
Were justly called, and trustworthy.
Who would have trusted me? For they saw
How I empty glasses, throw myself on food,
And glance greedily at the waitress’s neck.
Flawed and aware of it. Desiring greatness,
Able to recognise greatness wherever it is,
And yet not quite, only in part, clairvoyant,
I knew what was left for smaller men like me:
A feast of brief hopes, a rally of the proud,
A tournament of hunchbacks, literature.
Berkeley, 1985
***
Czesław Miłosz (1911–2004) – Poèmes, 1934-1982 (Luneau-Ascot, 1984) – New and Collected Poems 1931-2001
Ce poème est très beau, la beauté fait entrevoir le divin, elle y mènerait que ça ne m’étonnerait pas, en tous cas la littérature ne mène pas à l’acédie bien au contraire, la littérature est une sainte écriture, les saintes écritures sont de la littérature.
Un autre poème du même auteur qui aurait pu aussi s’appeler « Vivre chaque instant comme le dernier ».
CHANSON DE LA FIN DU MONDE
Le jour de la fin du monde,
L’abeille tourne au-dessus de la capucine,
Le pécheur répare le filet luisant.
Les joyeux dauphins bondissent dans la mer,
Les jeunes moineaux s’accrochent aux gouttières,
Et le serpent a la peau dorée, comme avant.
Le jour de la fin du monde,
Les femmes vont par les champs sous des ombrelles,
L’ivrogne s’endort au bord du gazon,
Les marchands de légumes dans la rue appellent,
Et le bateau à voile jaune s’approche de l’île ;
Dans l’air s’allonge le son du violon
Qui fait s’ouvrir la nuit étoilée.
Et ceux qui s’attendaient au tonnerre et aux éclairs
Sont déçus.
Et ceux qui s’attendaient aux signes et aux trompettes des Anges
Ne croient pas que le Jour soit venu.
Tant que le soleil et la lune sont là-haut,
Tant que le bourdon hante la rose,
Tant que naissent des enfants roses,
Personne ne croit que le Jour soit venu.
Seul un petit vieux, qui serait prophète,
Mais pris par autre chose il ne l’est pas,
En liant ses tomates répète :
D’autre fin du monde, il n’y en aura pas.
Czeslaw Milosz
Source : Erudit.org
Traduction Josef Kwaverko, Robert Mélénçon
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