Malcolm Lowry – Poème à placer à la conclusion d’un livre de poèmes long, obscur, passionné et éloquent
Je n’ai pas l’usage des mots d’un poète
Mes souffrances sont uniques
Je vois des oiseaux emblématiques
Je n’ai pas l’esprit pour m’exprimer.
Le fait cependant que je les aperçoive
Conforte l’espoir, que mes yeux cherchent
Derrière le drap de mort, au fond de la nuit,
Comme à travers un télescope,
Qu’un jour, je ne sais pas comment, quelque
Chose aura la générosité de ne pas
Déléguer confusément mon désespoir
À la muse échevelée.
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Poem to be placed at the conclusion of a long obscure
passionate and eloquent book of poems
I know no poet’s use of words
My sufferings are unique
I see the emblematic birds
But have no wit to speak.
Yet that I see them thus at all
Sustains the gloomy hope
Which I peer at, beyond the pall,
As through a telescope,
That someday, somehow, something there
Will kindly not confuse
My delegation of despair
To the bedraggled muse.
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Malcolm Lowry (1909-1957) – Le phare appelle à lui la tempête (Points, 2009) – Traduit de l’anglais par Jacques Darras.