Juan Manuel Roca – Confession de l’anti-héros
Je ne suis jamais arrivé nulle part.
Lorsque les voyageurs des sommets
Se glissaient dans un profond silence
Et voyaient la terre comme un hameau perdu,
Moi je regardais dans l’obscurité des armoires
De petites lunes de camphre.
Beaucoup d`impatients tombaient au combat
Quand j’étais humilié dans des bureaux obscurs.
Les inventeurs de la machine à rêves
Dînaient avec des femmes plus belles qu’elles-mêmes.
On me servait une ration d’orphelin
Sous des toits dont les miettes de plâtre tombaient sur la nappe.
Je ne suis jamais allé plus loin que le coin de la rue.
Je n`ai pas été le boxeur qui sourit a la pénombre
Quand sur l’autel du quadrilatère
La dernière cloche semble appeler à la prière.
Je n’ai pas eu le cran de faire feu sur le tyran,
Je n`ai pas monté à cru le cheval brillant de la guerre
Ni traversé les champs de mines pour sauver un village.
Je me suis dédié à mâcher le pain sans levure de toutes les déroutes.
Certaines nuits je me demande où iront
Ceux qui ont changé de peau ou de pays
Quand j’entends une chanson qui parle de visiter les lointains.
*
Confesión del antihéroe
Nunca llegué a sitio alguno.
Cuando los altos viajeros
Se deslizaban en un hondo silencio
Y veían la tierra como una aldea perdida,
Yo miraba en la oscuridad de los armarios
Pequeñas lunas de alcanfor.
Muchos impacientes caían en combate
Cuando era humillado en oscuras oficinas.
Los inventores de la máquina de sueños
Cenaban con mujeres más bellas que sí mismas.
Una ración de orfandad me era servida
Bajo techos que dejaban caer migajas de yeso en el mantel.
Nunca llegué más allá de la próxima esquina.
No fui el boxeador que sonríe a la penumbra
Cuando en el altar del cuadrilátero
Parece llamar a la oración la última campana.
No tuve agallas para disparar contra el tirano,
No monté en pelo el brioso caballo de la guerra
Ni atravesé campos minados para salvar una aldea.
Me dediqué a masticar el pan sin levadura de todas las derrotas.
Algunas noches me pregunto dónde andarán
Los que cambiaron de piel o de país
Mientras oigo una canción que habla de visitar la lejanía.
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Juan Manuel Roca (né à Medellín, Colombie en 1946) – Biblia de pobres (2009) – Une génération (L’atinoir, 2019) – Traduit de l’espagnol (Colombie) par Annick Stevens.