Nicanor Parra – Solo de piano
Puisque la vie d’un homme n’est qu’une action à distance,
Un peu de mousse qui brille à l’intérieur d’un verre ;
Puisque les arbres ne sont que des meubles qui s’agitent :
Rien que des chaises et des tables en mouvement perpétuel ;
Puisque nous-mêmes ne sommes que des êtres
(Comme le dieu n’est pas autre chose que dieu)
Puisque nous ne parlons plus pour être écoutés
Mais pour que les autres parlent
Et l’écho est antérieur aux voix qui le produisent ;
Puisque nous n’avons même plus la consolation d’un chaos
Dans le jardin qui bâille et se remplit d’air,
Un casse-tête qu’il faut résoudre avant de mourir
Afin de pouvoir ressusciter tranquillement après
Quand on s’est trop servi des femmes ;
Puisqu’il existe aussi un ciel dans l’enfer,
Laissez-moi faire certaines choses :
Je veux faire un bruit avec les pieds
Et je veux que mon âme trouve son corps.
*
Solo de piano
Ya que la vida del hombre no es sino una acción a distancia,
Un poco de espuma que brilla en el interior de un vaso;
Ya que los árboles no son sino muebles que se agitan:
No son sino sillas y mesas en movimiento perpetuo;
Ya que nosotros mismos no somos más que seres
(Como el dios mismo no es otra cosa que dios)
Ya que no hablamos para ser escuchados
Sino que para que los demás hablen
Y el eco es anterior a las voces que lo producen;
Ya que ni siquiera tenemos el consuelo de un caos
En el jardín que bosteza y que se llena de aire,
Un rompecabezas que es preciso resolver antes de morir
Para poder resucitar después tranquilamente
Cuando se ha usado en exceso de la mujer;
Ya que también existe un cielo en el infierno,
Dejad que yo también haga algunas cosas:
Yo quiero hacer un ruido con los pies
Y quiero que mi alma encuentre su cuerpo.
*
Piano Solo
Since man’s life is nothing but a bit of action at a distance,
A bit of foam shining inside a glass;
Since trees are nothing but moving trees;
Nothing but chairs and tables in perpetual motion;
Since we ourselves are nothing but beings
(As the godhead itself is nothing but God);
Now that we do not speak solely to be heard
But so that others may speak
And the echo precede the voice that produces it;
Since we do not even have the consolation of a chaos
In the garden that yawns and fills with air,
A puzzle that we must solve before our death
So that we may nonchalantly resuscitate later on
When we have led woman to excess;
Since there is also a heaven in hell,
Permit me to propose a few things
I wish to make a noise with my feet
I want my soul to find its proper body.
***
Nicanor Parra (1914-2018) – Poemas y antipoemas (Santiago, Nascimento,1954) – Traduit de l’espagnol par Stéphane Chaumet – Antipoems: New and Selected (edited by David Unger) (New Directions, 1985) – Translated by William Carlos Williams.
[…] Ici : Je viens de découvrir la poésie de Nicanor Parra « antipoète » chilien 1914/2018 Ici j’ai essayé de découvrir l’homme… J’aime sa notion d’antipoésie… « Pendant un demi-siècle, la poésie a été la parodie de l’idiotie solennelle jusqu’à ce que j’arrive et que je m’installe avec ma montagne russe » Nicanor Parra Alejandro Jodorowsky artiste franco-chilien (né en février 29) évoque Nicanor Parra dans son roman autobiographique : « La danse de la réalité » « Dans ces années-là, Pablo Néruda se présentait comme le plus grand poète, mais moi, comme la plupart des jeunes, par esprit de contradiction, je refusais d’être son disciple fanatique. Brusquement surgit un nouveau poète, Nicanor Parra qui, se rebellant contre ce génie si viscéral et si engagé politiquement, publia des vers intelligents, humoristiques, différents de tout ce qu’on connaissait et qu’il baptisa du nom d’antipoème. Mon enthousiasme fut délirant. Enfin un auteur descendu de l’Olympe romantique pour parler de ses angoisses quotidiennes, de ses névroses, de ses échecs sentimentaux… » Et moi ici je vais parodier Nicanor Parra et je vais vous dire: […]
J’aimeAimé par 1 personne
Antipoésie – Dans cet espace entre-deux, entre rêve et réalité, entre mots et couleurs, je partage de doux instants. said this on juillet 23, 2019 à 4:26 |
Merci Schabrieres d’être passé chez moi et d’avoir déposé ici le lien pour aller lire mon article complet écrit après la lecture de votre page.
J’aime que les mots sautent ainsi de main en main , petits boomerangs qui font naître la joie en étincelles vives.
et j’aime aussi votre blog qui m’ouvre des portes inconnues
oui vraiment merci à vous.
J’aimeAimé par 1 personne
jamadrou said this on juillet 24, 2019 à 12:09 |
Merci infiniment Jamadrou.
J’aimeJ’aime
schabrieres said this on juillet 24, 2019 à 12:22 |