Raúl Rivero – Douleur et pardon
A présent je fais le vœu de tout pardonner
pour nettoyer mon cœur fatigué
qui ne peut faire face qu’à la fatigue de l’amour.
Je veux par conséquent que les coupables directs de mes accès de furie
les artisans patentés de mes peines
soient déclarés innocents après que j’aurai signé ce poème.
Je n’ai rien contre ceux qui m’ont rendu la vie impossible
mon unique et pauvre vie passagère
pour atteindre la gloire et vivre dans leur vaine géographie.
Compréhension et complicité face aux douces jeunes filles
déguisées en sorcières
qui me laissaient abandonné en ville en pressant mon chapeau comme un torchon.
Acquittés les diffamateurs et les idiots
oubliés les policiers qui m’ont harcelé
effacés de ma mémoire ceux qui ont envahi ma maison avec
un mandat de perquisition.
Dans les limbes d’une autre constellation
celui qui a signé l’ordre
et ordonné les punitions.
Un peu plus loin
celui qui a poussé ma fille Cristina loin de sa patrie
et qui m’a fait perdre la raison.
De toutes ces peurs et de toute cette anxiété
de cette saison de décombres et de lueurs
les coupables sont les jours de la semaine.
Ces lundis au fil du rasoir
les mardis émoussés, neutres et tenaces
le mercredi avec ses infules de pont rouillé.
Le jeudi avec un air d’étranger
le vendredi et ses rivières de vanités
le samedi traître et couvert.
Les dimanches puérils et vides.
Ce sont eux, sans doute, les coupables
obstinés à maintenir en servitude
Notre Père Temps Eternel
qui à présent organise ma vieillesse
pour que j’oublie.
*
Dolor y perdón
Ahora me propongo perdonarlo todo
para dejar limpio mi corazón cansado
dispuesto solo a la fatiga del amor.
Así es que los culpables directos de mis furias
los arduos artesanos de mis penas
son inocentes después que firme este poema.
Nada tengo ya contra quienes usaron mi vida
mi única y pobre vida pasajera
para tocar la gloria y vivir en su vana geografía.
Comprensión y complicidad ante las dulces muchachas
trasvestidas de brujas
que solían dejarme en la ciudad estrujando mi sombrero de paño.
Absueltos los difamadores y los tontos
olvidados los policías que me hostigaron
borrados de la memoria los que asaltaron mi casa con una orden de registro.
En un limbo de otra constelación
el que firmó la orden
y ordenó los castigos.
Un poco mas allá
el que hizo salir a mi hija Cristina de su patria
y a mí de la razón.
De estos miedos y esas ansiedades
de esta estación de escombros y fulgores
tienen la culpa los días de la semana.
Esos lunes con filo de navaja
los martes romos, neutrales y tenaces
y el día miércoles con sus ínfulas de puente corroído.
El jueves con cara de extranjero
el viernes y sus ríos de vanidades
el sábado traidor y encapotado.
Los domingos pueriles y vacíos.
Ellos son, seguramente, los culpables
empecinados en la servidumbre
del Padre Tiempo Eterno
que hoy dispone mi vejez
para que olvide.
***
Raúl Rivero (né à Morón, Cuba en 1945) – Mandat de perquisition. (Al Dante, 2003) – Traduit de l’espagnol par (Cuba) Jacobo Machover.