Horacio Castillo – Navigateur solitaire
À présent, chaque mille que je naviguerai vers l’ouest
m’éloignera de tout. Pas le moindre signe
de vie : ni poissons, ni oiseaux, ni sirènes,
ni cafard zigzaguant sur la couverture.
Seulement l’eau et le ciel, l’horizon détruit,
la mer, qui chante toujours comme moi la même chanson.
Ni poissons, ni oiseaux, ni sirènes,
ni cette étrange conversation sur la sentine
que perçoit l’oreille aux heures de calme.
Seulement l’eau et le ciel, le roulis du temps.
La nuit, l’étoile Achernar apparaît sur la proue ;
entre les haubans, Aldébaran ; à tribord,
un peu plus haut que l’horizon,
le Bélier. Alors j’amène, je dors. Et le néant,
avec délicatesse, vient manger dans ma main.
*
Navegante solitario
Desde ahora, cada milla que navegue hacia el oeste
me alejará de todo. Han desaparecido las señales
de vida: ni peces, ni pájaros, ni sirenas,
ni una cucaracha zigzagueando en la cubierta.
Sólo agua y cielo, el horizonte destruido,
el mar, que canta como yo siempre la misma canción.
Ni peces, ni pájaros, ni sirenas,
ni esa extraña conversación en la sentina
que el oído percibe en las horas de calma.
Sólo agua y cielo, el rolido del tiempo.
A la noche, la estrella Achernar aparece en la proa;
entre los obenques, Aldebarán; a estribor,
un poco más arriba del horizonte,
Aries. Entonces, arrío, duermo. Y la nada,
mansamente, viene a comer de mi mano.
***
Horacio Castillo (1934–2010) – Alaska (Libros de Tierra Firme, 1993) – Traduit de l’espagnol par ?