Roger-Arnould Rivière – Je te reconnaîtrai douleur…
Je te reconnaîtrai douleur à cette tache vive
tournesol du dépit fleur de vase et de feu
roue sans moyeu du même visage pressenti
et retenu longtemps à l’anneau du soleil
je cernerai ce tourbillon de vide rose et cru
porcelaine lacérée de cris et de lames
j’y tonnerai le vacarme d’un nom
à résonance de chair et d’âme
et dans le cercle trahi par le miel de ma voix
sur un espace de corolle et d’yeux
je contraindrai la présence inquiète de l’éloignée
pour qu’elle ait désormais demeure calme
sur l’arête multiple des vents
et paix parmi le sang différé de la glaise.
***
J’apprécie ce poème, même si certaines images m’agacent. C’est parfois trop chargé, trop « poétique ». Le poème indépassable de Roger-Arnould Rivière,le texte où il aura tout mis de lui-même, le voici. Un coup de maître !
Je sais la caresse du petit matin…
Je sais la caresse du petit matin, l’aplomb brutal de midi, la sournoise inversion du soir
je sais le vertigineux à-pic de la nuit et l’accablante horizontalité du jour
je sais les hauts et les bas, les hauts d’où l’on retombe à coup sûr, les bas dont on ne se relève pas
je sais que le chemin de douleur n’a de stations qu’en nombre limité
je sais le souffle haché, le souffle coupé, l’haleine fétide, les effluves d’air cru et les émanations de gaz de ville
je sais les étreintes vides, la semence crachée par dépit sur la porcelaine
je sais la face du mot qui vous sera renvoyée comme un gifle
je sais que l’amitié et l’amour n’ont pas d’aubier
je sais que les amarres rompues, le cou brisé, la semelle usée ont pour commun dénominateur la corde
je sais que la détonation contient le même volume sonore que les battements de cœur qui bâtissent tout une vie.
j’ai vécu pour savoir et je n’ai pas su vivre.
Septembre 1959
***
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Le poème qui apparaît dans mon commentaire précédent est le dernier que Roger-Anould Rivière ait écrit avant son suicide à Lyon en 1959. En le relisant, une grande émotion me saisit.
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Merci Stéphane pour avoir mis ce beau poème de Roger Arnould Rivière, et aussi à Mithridate bien sûr. Ce poète qui s’est hélas suicidé si jeune est toujours dans mon « livre de chevet » : les poèmes que je lis ou relis chaque soir. J’aimerais que Rivière soit plus souvent remémoré, et c’est donc avec émotion et gratitude que je trouve, dans le dernier livre de Henri Abril (Ratures et dérades), un hommage splendide à lui. Le voici :
eaux vives
Nulle maldonne
ni honte bue
sur la grand’route
aux amarres rompues
Fluide effervescence
de la foi
astreinte au doute
des ombellifères
En sourdine les voix
que plus rien n’use
axe et syntaxe
d’un gouffre vierge
L’inspiration hachée
par l’aplomb de midi
lorsqu’une ombre t’encercle
qui n’est qu’incendie
Telle une ornière
comblée par les eaux vives
ta mort à son tour s’évade
Roger-Arnould Rivière
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Merci Solange
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Merci Solange pour ce poème de Roger-Arnould Rivière et pour vos mots !
Je ne connaissais pas ce texte.
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Merci Mithridate…Petite précision qd mm : cette poésie est de Henri Abril, en hommage à Roger Arnould Rivière (dont le nom est le dernier vers du poème).
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Oups ! J’ai lu votre commentaire un peu trop rapidement, Solange ! Désolé !
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« J’y tonnerai le vacarme d’un nom » Je me suis arrêté sur ce vers et j’ai inconsciemment entendu le tonnerre, merci !
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