Paul Vinicius – À la fille du rayon légumes frais

mais
la poésie
est autre chose

ce n’est pas cette dulcinée
aux nichons mûrs
exophtalmiques
aves ses 13 kilomètres de gambettes
et un rouge si fort
sur les lèvres courbées
que les URSS te tombent sur la tête

ce n’est pas un week-end
ni une semaine
à nager au boulon
dans une fabrique
de roulements

en fait
la poésie n’est même pas
littérature

la poésie est quand
tu n’as aucun bobo
tes analyses sont nickel-chrome
et pourtant
tu as mal

quand tu n’attends plus le vert
à aucun feu rouge

quand tu es triste ou
tu prends ton bain
ou tu pisses

ou quand tu n’as ni maison
ni salle de bain
mais tu as un matou dans la tête
que tu amènes au coiffeur

il y a des maisons
où tu ne peux écrire des poésies
il y a des femmes
avec qui tu peux faire l’amour
trois jours de suite
mais qui ne te laissent pas
une goutte de belle rouille
dans le cœur

il y a pourtant des champs
de coquelicots
d’où
bleue
la poésie
s’élève
comme une montgolfière
dans le sommeil
d’un évadé

on ne mange pas la poésie
avec des couverts d’argent
elle se laisse grignoter
avec la main

la poésie n’est pas une raison
pour devenir fou
elle est la folie
en chair et os

pendant une nuit de plein papier
et de stylos à bille
j’ai voulu écrire
une poésie

il n’en est sorti que des âneries
qu’ont avalées sur-le-champ
tous les mendiants
du parc cismigiu
et de la place romaine

à bucarest on ne peut écrire
de la poésie
qu’en illégalité
ou à crédit

mon organisme
est descendu à la cave
et m’a laissé faire
à ma tête

(aucun organisme
normal à la tête
ne supporterait pas
la poésie)

puis il a déménagé dans un endroit
encore plus profond
dans un ancien gisement
d’uranium

une fois j’ai décidé
de compter jusqu’à trois
mais voilà
j’en suis à six millions

la population de la roumanie
se réveille tôt
pour aller au travail
comme à waterloo
pendant que pour moi
il est à peine le temps
d’aller me coucher

pour tout vous dire
je ne donnerais pas ma poésie
pour le travail de la population

un beau jour
je vais capituler
dans une femme

un autre jour
je vais peut-être
arranger le portrait
d’un policier

plusieurs nuits de suite
je vais visser
des parachutes

mais la poésie
est autre chose

autre chose

*

fetei de la aprozar

însă
poezia
e altceva.

nu e fătuca aia dulcinee
cu țâțe coapte
exoftalmice
cu cei treisprezece kilometri de craci
și un ruj pe buzele-i arcuite
de îți cade u.r.s.s.-ul în cap

nu-i vreun week-end
dar nici vreo săptămână
de înotat
la șaibă
într-o fabrică
de rulmenți

de fapt
poezia nici nu-i literatură

poezia e atunci când nu te doare nimic
și analizele-s brici
dar totuși
te doare

când nu mai aștepți verdele de la niciun semafor

când ești trist sau
când faci baie
sau
te piși

sau când nu ai nici casă
nici baie
dar ai un motan în cap
pe care-l duci la coafor

sunt case
în care nici măcar nu poți scrie poezie
sunt femei
cu care poți face sex trei zile la rând
dar care nu-ți lasă
pic de rugină
de frumusețe
în suflet

sunt însă câmpuri
numai maci
din care
albastră
poezia
se ridică
precum un dirijabil
din somnul unui evadat din pușcărie

poezia nu
nu se mănâncă
cu tacâmuri de argint;
se mănâncă cu mâna.

poezia nu-i vreun argument
ca să înnebunești
e nebunia
însăși

într-o noapte cu multă hârtie și pixuri
am vrut să scriu
o poezie

nu au ieșit decât tâmpenii
pe care mi le-au halit
de îndată
toți cerșetorii dintre cișmigiu și
piața romană

în orașul bucurești nu se poate scrie poezie
decât în ilegalitate
sau pe credit

organismul meu
a coborât în pivniță
și m-a lăsat
de capul meu

(niciun organism
normal la capul lui
nu ar suporta
poezia)

apoi s-a mutat și mai adânc:
într-un fost zăcământ
de uraniu

mi-am zis să număr numa’ pân’ la trei
dar am ajuns
la șase milioane

populația româniei se scoală de dimineață
și o pornește la muncă
ca la waterloo
când eu
de-abia
mă culc

drept să vă spun
nu mi-aș prea da eu poezia
pe munca populației

într-o zi am să mă predau
într-o femeie

într-altă zi
poate
am să cotonogesc un polițist

mai multe nopți la rând
am să înșurubez
niște parașute

însă poezia
este altceva

altceva

***

Paul Vinicius – Traduit du roumain par Radu Bata.

~ par schabrieres sur octobre 12, 2022.

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