Eugenio Montale – Peut-être un matin (Forse un mattino, 1925)
Peut-être, un matin, allant dans un air de verre,
sec, en me retournant verrai-je s’accomplir le miracle :
le néant dans mon dos, le vide derrière
moi, avec une terreur d’ivrogne.
Puis, comme sur un écran, se camperont d’un jet
arbres maisons collines pour l’illusion habituelle.
Mais il sera trop tard ; et je m’en irai muet
parmi les hommes qui ne se retournent pas, avec mon secret.
*
Forse un mattino andando in un’aria di vetro,
arida, rivolgendomi, vedrò compirsi il miracolo:
il nulla alle mie spalle, il vuoto dietro
di me, con un terrore da ubriaco.
Poi, come s’uno schermo, s’accamperanno di gitto
alberi, case, colli per l’inganno consueto.
Ma sarà troppo tardi; ed io me n’andrò zitto
tra gli uomini che non si voltano, col mio segreto.
Juillet 1923
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Eugenio Montale (1896-1981) – Os de seiche (Ossi di sepia, 1925) – Poèmes choisis: (1916-1980) (Poésie/Gallimard) – Traduit de l’italien par Patrice Dyerval Angelini.