Georges Henein – L’octroi de la vie

Georges Henein - Photography by Boula Heneinje suis l’homme assis au bord de la route
c’est l’heure où il convient d’écrire à ses amis
d’écrire en retenant les mots
en scalpant les voix
en jetant ceux qui se bornent à regarder
à la tête de ceux qui se bornent à comprendre
et cela fait un grand cerne mauve
dont on ne se remet pas

je suis celui qui s’est assis au bord de la route
et qui tient ses ennemis à la merci de sa fatigue
et pour qui tout est encore à creuser

que la vie ait fait long feu ou tourné court
peu importe
peu importe à l’homme qui se venge
du peu d’importance de l’homme

***

Georges Henein (Caire, Egypte 1914-1973)

~ par schabrieres sur juin 23, 2014.

2 Réponses to “Georges Henein – L’octroi de la vie”

  1. Tout est encore à creuser…

    J’ai très mal dormi. À 4 heures j’ai bien cru que j’allais craquer. Craquer ça veut dire me lever et prendre mon ipad pour écrire. Je m’astreint à ne pas me lever pendant mes insomnies sinon au bout de quelques jours la fatigue est-elle que je perds le contrôle et ça finit mal. J’ai bien fait de résister à l’appel de l’écriture puisque j’ai fini par me rendormir. J’ai rêvé que j’avais siroté sans m’en apercevoir un flacon de neuroleptiques, au début ça m’a affolé et puis ensuite je me suis dis que ça n’était pas plus mal, que ça allait m’aider pour dormir, que j’allais éprouver une sensation cotonneuse. Dans le rêve suivant j’ai repoussé des voleurs que j’avais surpris dans ma maison, je leur ai demandé leur carte d’identité et ils sont partis. A 6h40 je me suis donné l’autorisation de me lever et me voilà. À 4 heures, je me souviens avoir commencé des phrases dans ma tête. Ça tournait autour du mot « encore ». Ça fait trois jour que je bute sur ce mot, ça devient obsédant. Ça fait trois jours que je commence des textes avec ce mot comme point de départ mais au bout de quelques lignes j’abandonne faute d’inspiration. Ils ne m’ont mené nul part alors je les abandonne dans mon bloc-note. Ça ne sont pas les premiers, mon bloc-note est rempli de texte inachevés, des avortons. Je les conserve ( pas besoin de formol…) et j’y retourne de temps en temps quand je n’ai vraiment rien à me mettre sous la dent. L’autre jour en le parcourant j’y ai retrouvé des poésies que j’avais écrites et j’ai été très agréablement surpris. J’ai même douté pour certaines d’entre elles qu’elles fussent de moi. A 4 heures du matin j’ai pensé m’en sortir avec « encore » par un poème mais rien n’est venu. J’ai pensé encore, en corps … C’est peut-être cette frustration à ne pas avoir liquider « Encore » qui m’a empêché de dormir convenablement. J’y reviendrait bien maintenant mais je crains un nouvel échec. Dans ces trois embryons de textes, je faisais référence à un livre de Jacques Lacan, le Séminaire XX appelé « Encore ». En page de couverture on voit une sainte en extase. Je sais que ce séminaire traite de la mystique. Je ne l’ai pas lu en entier, je l’ai surtout entendu commenté. J’aime bien Lacan. J’en ai parlé très récemment à la cantine avec un gars qui m’était inconnu jusqu’alors. C’est lui qui a abordé le sujet le premier. Il disait avoir des infos sur la vie sexuelle du psychanalyste et penseur et les distillaient entre le poisson meunière et le fromage. J’en ai absolument rien à battre de savoir comment Lacan se donnait du plaisir avec son cul. Le gars croyait pouvoir prouver à travers ces anecdotes sur sa vie privée qu’en fait Lacan était un beau parleur qui prétendait avoir tout compris du fonctionnement de l’être humain, qui prétendait même être capable de rendre heureux les désespères grâce à sa méthode psychothérapeutique mais qui était en fait lui-même incapable de l’être. C’est à partir de là, de ce moment ou j’évoquais Lacan, que mes textes sont tombés à l’eau. A partir du moment où j’essayais de dire ce que j’avais compris de Lacan et pourquoi je l’aimais bien. Ça ne m’étonne finalement pas que j’en sois resté là car la tâche me semble immense. Ça va faire bientôt 30 ans que je tourne autour des écrits de cet auteur. N’attendez pas de moi que je vous explique l’objet petit a, le grand Autre, la forclusion du nom du père… J’en serais incapable non pas parce que je serais un mauvais pédagogue mais parce que je n’y comprends rien. Mais alors pourquoi cet intérêt pour son œuvre si je n’y ai rien compris ? C’est faux en fait, j’y ai compris quelque chose, je crois même avoir compris l’essentiel de ce qu’il a voulu dire. Je dis ça avec prétention. Il faut de la prétention pour dire quoi que ce soit. Il faut prétendre à la vérité. Lacan prétendait dire la vérité et les gens sont venus l’écouter et l’on lu et le lisent encore pour ça, parce qu’ils ont soif d’elle. Ce que j’ai compris de Lacan c’est que la vérité se dérobe et que nous jouissions de sa dérobade. Il dit par exemple « Le savoir est un fantasme qui n’est fait que pour la jouissance. » Ça n’est qu’un exemple, son œuvre un peu comme celle de Cioran, autre mystique contemporain, fourmille de ce genre de citations. La preuve en est que je viens de dénicher la citation précédente, que je ne connaissais pas (mais qui tombe forte à propos) en cherchant celle-là ; « Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas. La dire toute, c’est impossible, matériellement : les mots y manquent. » que l’on trouve dans « Télévision ».
    « Lacan était un mystique. », c’est ce que j’ai dit à mon interlocuteur de la pause repas de midi. Il a été très surpris par cette affirmation et m’a soutenu qu’il ne pouvait en être ainsi puisque le philosophe (comment le qualifier ? Le penseur, le psychanalyste, l’écrivain, le poète…) ne vivait pas une vie austère en témoignait ses prétendues frasques sexuelles qu’ils venaient lui-même à l’instant de rapporter. Je lui ai rétorqué que ça n’avait rien à voir, que l’on pouvait être un mystique et s’envoyer en l’air avec une chèvre. Je ne lui ai pas donné cet exemple précisément mais l’idée était là. Ce qui caractérise le mystique c’est qu’il sait qu’il ne sait pas, ç´est ce que Saint Augustin appelait « la docte ignorance ». On saurait qu’il n’y aurait pas d’encore, que nous ne connaîtrions pas le ravissement de la découverte de la vérité et nous n’aurions plus qu’à nous pendre. Le mystique sait qu’il jouit de la découverte de la vérité c’est la raison pour laquelle il vénère le mystère. Voilà, c’est fait, j’en suis venu à bout de ce texte, « encore » est derrière moi si je puis dire et cerise sur le gâteau j’ai une citation de Lacan qui conviendra très bien pour poursuivre l’échange avec mon nouveau collègue mardi midi à la cantine, j’ai trois jours pour l’apprendre par cœur ;

    Etre psychanalyste, c’est simplement ouvrir les yeux sur cette évidence qu’il n’y a rien de plus cafouilleux que la réalité humaine.

    …tout est encore à creuser.

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  2. « On saurait, qu’il n’y aurait pas d’encore… »
    Ça porte à confusion, je préfère ;
    « La vérité ne nous échapperait pas, qu’il n’y aurait pas d’encore… »

    J’aime

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