Vladimir Nabokov – Lolita (poème) 1955

Lolita (1962) by Stanley KubrickPerdue : Dolorès Haze. Signalement :
Bouche « éclatante », cheveux « noisette » ;
Age : cinq mille trois cents jours (presque quinze ans !)
Profession : « néant » (ou bien « starlette »).

Où va-t-on te chercher, Dolorès quel tapis
Magique vers quel astre t’emporte ?
Et quelle marque a-t-elle – Antilope ? Okapi ? –
La voiture qui vibre à ta porte ?

Qui est ton nouveau dieu ! Ce chansonnier bâtard,
Pince-guitare au bar Rimatane ?
Ah, les beaux soirs d’antan quand nous restions si tard
Enlacés près du feu, ma Gitane ?

Ce maudit würlitzer, Lolita, me rend fou !
Avec qui danses-tu, ma caillette ?
Toi et lui en blue jeans et maillot plein de trous,
Et moi, seul dans mon coin, qui vous guette.

Mac Fatum, vieux babouin, est bienheureux, ma foi !
Avec sa femme enfant il voyage,
Et la farfouille au frais, dans les parcs où la loi
Protège tout animal sauvage.

Lolita ! Ses yeux gris demeuraient grands ouverts
Lorsque je baisais sa bouche close.
Dites, connaissez-vous le parfum « soleils verts » ?
Tiens, vous êtes français, je suppose ?

L’autre soir, un air froid d’opéra m’alita.
Son fêlé – bien fol est qui s’y fie !
Il neige. Le décor s’écroule, Lolita !
Lolita, qu’ai-je fait de ta vie ?

C’est fini, je me meurs, ma Lolita, ma Lo !
Oui je meurs de remords et de haine,
Mais ce gros poing velu je le lève à nouveau,
A tes pieds, de nouveau, je me traîne.

Hé, l’agent ! Les voilà – rasant cette lueur
De vitrine que l’orage écrase ;
Socquettes blanches : c’est elle ! Mon pauvre coeur !
C’est bien elle, c’est Dolorès Haze.

Sergent rendez-la moi, ma Lolita, ma Lo
Aux yeux si cruels, aux lèvres si douces.
Lolita : tout au plus quarante et un kilos,
Ma Lo : haute de soixantes pouces.

Ma voiture épuisée est en piteux état,
La dernière étape est la plus dure.
Dans l’herbe d’un fossé je mourrai, Lolita,
Et tout le reste est littérature.

***

Vladimir Nabokov (1899-1977)Lolita (1955)

~ par schabrieres sur septembre 24, 2009.

5 Réponses to “Vladimir Nabokov – Lolita (poème) 1955”

  1. il est magnifique ce pôeme
    Les derniers vers donnent les frissons

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    • Oui, sauf que ce poême,en anglais à l’origine, n’est pas de Nabokov himself dans sa versiuon française mais de son premier traducteur E. H. Kahane qui conclut avec les vers de Verlaine. La traduction récente de Maurice Couturier est bien moins poétique à mon goût. Gainsbourg voulu en faire une chanson, devant le refus de Nabokov trop occupé à l’époque avec Stanley Kubrick il garda ce poême dans les cartons et s’en inspira dans plusieurs chansons (dont Jane B.) et les concepts album Melody Nelson et l’Homme à Tête de chou. Je suis preneur du texte original en anglais..

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  2. Un poème extraordinaire pour un livre merveilleux…

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  3. Magnifique que dire de plus la chute est extraordinaire

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  4. Wanted, wanted: Dolores Haze.
    Hair: brown. Lips: scarlet.
    Age: five thousand three hundred days.
    Profession: none, or « starlet »

    Where are you hiding, Dolores Haze?
    Why are you hiding, darling?
    (I Talk in a daze, I walk in a maze
    I cannot get out, said the starling).

    Where are you riding, Dolores Haze?
    What make is the magic carpet?
    Is a Cream Cougar the present craze?
    And where are you parked, my car pet?

    Who is your hero, Dolores Haze?
    Still one of those blue-capped star-men?
    Oh the balmy days and the palmy bays,
    And the cars, and the bars, my Carmen!

    Oh Dolores, that juke-box hurts!
    Are you still dancin’, darlin’?
    (Both in worn levis, both in torn T-shirts,
    And I, in my corner, snarlin’).

    Happy, happy is gnarled McFate
    Touring the States with a child wife,
    Plowing his Molly in every State
    Among the protected wild life.

    My Dolly, my folly! Her eyes were vair,
    And never closed when I kissed her.
    Know an old perfume called Soliel Vert?
    Are you from Paris, mister?

    L’autre soir un air froid d’opera m’alita;
    Son fele — bien fol est qui s’y fie!
    Il neige, le decor s’ecroule, Lolita!
    Lolita, qu’ai-je fait de ta vie?

    Dying, dying, Lolita Haze,
    Of hate and remorse, I’m dying.
    And again my hairy fist I raise,
    And again I hear you crying.

    Officer, officer, there they go–
    In the rain, where that lighted store is!
    And her socks are white, and I love her so,
    And her name is Haze, Dolores.

    Officer, officer, there they are–
    Dolores Haze and her lover!
    Whip out your gun and follow that car.
    Now tumble out and take cover.

    Wanted, wanted: Dolores Haze.
    Her dream-gray gaze never flinches.
    Ninety pounds is all she weighs
    With a height of sixty inches.

    My car is limping, Dolores Haze,
    And the last long lap is the hardest,
    And I shall be dumped where the weed decays,
    And the rest is rust and stardust.

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