Henri Michaux – Quand rien ne vient…
Quand rien ne vient, il vient toujours du temps, du temps,
sans haut ni bas,
du temps,
sur moi,
avec moi,
en moi,
par moi,
passant ses arches en moi qui me ronge et attends.
Le Temps.
Le Temps.
Je m’ausculte avec le Temps.
Je me táte.
Je me frappe avec le Temps.
Je me séduis, je m’irrite…
Je me trame,
Je me soulève,
je me transporte,
Je me frappe avec le Temps…
Oiseau-pic.
Oiseau-pic.
Oiseau-pic.
Qu’est-ce que je fais ici?
J’appelle.
J’appelle.
J’appelle.
Je ne sais qui j’appelle.
Qui j’appelle ne sait pas.
J’appelle quelqu’un de faible,
quelqu’un de brisé,
quelqu’un de fier que rien n’a pu briser.
J’appelle.
J’appelle quelqu’un de là-bas,
quelqu’un au loin perdu,
quelqu’un d’un autre monde.
(C’était donc tout mensonge, ma solidité?)
J’appelle.
Devant cet instrument si clair,
ce n’est pas comme ce serait avec ma voix sourde.
Devant cet instrument chantant qui ne me juge pas,
qui ne m’observe pas,
perdant toute honte, j’appelle,
j’appelle,
j’appelle du fond de la tombe de mon enfance qui boude et se contracte encore,
du fond de mon désert présent,
j’appelle,
j’appelle.
L’appel m’étonne moi-méme.
Quoique ce soit tard, j’appelle.
Pour crever mon plafond sans doute surtout
j’appelle.
***
Henri Michaux (1899-1984) – Passages: (1937-1950) (L’Imaginaire, Gallimard, 1998)
Bon jour,
J’adore. C’est un appel comme un désir de vivre pris en étau.
Mx-Louis
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iotop said this on janvier 22, 2018 à 5:34 |
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Vincent said this on janvier 22, 2018 à 8:40 |
Magnifique. Daniel Darc, un grand poète. Merci Vincent.
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schabrieres said this on janvier 22, 2018 à 10:42 |
Superbe
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Vincent said this on janvier 22, 2018 à 8:43 |