Fernando Pessoa – Lorsque reviendra le printemps…
Lorsque reviendra le printemps
peut-être ne me trouvera-t-il plus en ce monde.
J’aimerais maintenant pouvoir croire que le printemps est un être humain
afin de pouvoir supposer qu’il pleurerait
en voyant qu’il a perdu son unique ami.
Mais le printemps n’est même pas une chose : c’est une façon de parler.
Ni les fleurs ne reviennent, ni les feuilles vertes.
Il y a de nouvelles fleurs, de nouvelles feuilles vertes.
Il y a d’autres jours suaves.
Rien ne revient, rien ne se répète, parce que tout est réel.
*
Quando tornar a vir a Primavera
Talvez já não me encontre no mundo.
Gostava agora de poder julgar que a Primavera é gente
Para poder supor que ela choraria,
Vendo que perdera o seu único amigo.
Mas a Primavera nem sequer é uma coisa:
É uma maneira de dizer.
Nem mesmo as flores tornam, ou as folhas verdes.
Há novas flores, novas folhas verdes.
Há outros dias suaves.
Nada torna, nada se repete, porque tudo é real.
7-11-1915
***
Fernando Pessoa (1888-1935) – Poemas de Alberto Caeiro – Le Gardeur de troupeaux (Poésie/Gallimard) – Traduit du portugais par Armand Guibert.
Ah on est jamais déçus avec Fernando ! Ce poème me renvoie (bizarrement ou pas) à celui-ci — de Sara Teasdale et connu pour avoir été inséré par Bradbury dans ses Chroniques martiennes :
IL VIENDRA DES PLUIES DOUCES
Il viendra des pluies douces et l’odeur de la terre,
Et des cercles d’hirondelles stridulant dans le ciel,
Des grenouilles aux mares qui chanteront la nuit
Et des pruniers sauvages palpitant de blancheur.
Les rouges-gorges enflant leur plumage de feu
Siffleront à loisir perchés sur les clôtures.
Et nul ne saura rien de la guerre qui fait rage
Nul ne s’inquiétera quand en viendra la fin,
Nul ne se souciera qu’il soit arbre ou oiseau
De voir exterminé jusqu’au dernier des hommes
Et le printemps lui-même en s’éveillant à l’aube
Ne soupçonnera pas notre éternelle absence.
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Stéphane Bernard said this on mars 22, 2018 à 8:36 |
En effet, on n’est jamais déçu avec Fernando, Alberto, Alvaro ou Ricardo.
Merci Stéphane pour ce superbe poème de Sara Teasdale, dont voici la version originale :
There will come soft rains and the smell of the ground,
And swallows circling with their shimmering sound;
And frogs in the pools singing at night,
And wild plum trees in tremulous white,
Robins will wear their feathery fire
Whistling their whims on a low fence-wire;
And not one will know of the war, not one
Will care at last when it is done.
Not one would mind, neither bird nor tree
If mankind perished utterly;
And Spring herself, when she woke at dawn,
Would scarcely know that we were gone.
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schabrieres said this on mars 22, 2018 à 12:44 |
merveilleux poème qu’on lit en espérant voir la neige fondre ici au Québec.
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Élise Turcotte said this on mars 22, 2018 à 2:39 |
Oui, Élise, les poètes et la poésie peuvent faire fondre la neige, même celle du Québec.
« Un seul être
A fait fondre la neige pure,
A fait naître des fleurs dans l’herbe
Et le soleil est délivré. »
Paul Éluard
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schabrieres said this on mars 22, 2018 à 8:54 |