Kiki Dimoula – Je te salue jamais
Derniers Saluts ce soir
ceux que je t’envoie n’ont pas de fin
pas plus que mes salut salut à Pas question
que les transmette la divine diligence.
Tournant de l’œil s’effondrent les violettes
que le temps tiède a trop étreintes
c’est légitime il est resté
sans les voir depuis l’an dernier.
Salut assiduité des fleurs
assurant votre retour périodique
salut assiduité du sans retour
tu as suivi à la lettre les morts.
Salut étreinte des ténèbres
qui accueilles le légitime, elles sont restées
sans te voir dès avant ta naissance.
Salut refus d’ouverture de tes yeux
salut Inespéré promesse pleine de grâce
qu’à nouveau ton regard trouvera l’audace un jour
de s’ouvrir vers le mien terrifié.
Salut refus d’ouverture de tes yeux
— laissez-passer de la mémoire
pour que vienne les voir quand elle veut
l’aube d’une journée perdue.
Quant à toi monde
qui condescends à vivre
tant qu’a besoin de toi le hasard
dont les maux sont le fruit
de ta fertile résistance,
qui t’avilis à vivre
pour que te paie d’un bonsoir tout au plus
pendant sa traversée
une pleine lune ventriloque
que dire
salut à toi aussi.
*
Χαίρε ποτέ
Τελευταίοι Χαιρετισμοί απόψε
ατελείωτοι οι δικοί μου που σου στέλνω
και χαίρε χαίρε του αποκλείεται
η θεία προθυμία να σ’ τους δώσεις.
Λιπόθυμα σωριάζονται βιολέτες
από το σφιχταγκάλιασμα του χλιαρού
καιρού το δικαιολογημένο
έχει από πέρσι να τις δει.
Χαίρε συνέπεια λουλουδιών
προς την τακτή επιστροφή σας
χαίρε συνέπεια του ανεπίστρεπτου
τήρησες κατά γράμμα τους νεκρούς.
Χαίρε του σκοταδιού το σφιχταγκάλιασμα
που δέχεται το δικαιολογημένο
έχει να σε δει πριν την γέννησή σου.
Χαίρε των ματιών σου η ανοιχτοφοβία
χαίρε κεχαριτωμένη υπόσχεση του ανέλπιστου
πως βλέμμα σου θα ξεθαρρέψει πάλι κάποτε
να ξανοιχτεί προς έντρομο δικό μου.
Χαίρε των ματιών σου η ανοιχτοφοβία
– της μνήμης το “ελευθέρας” να πηγαίνει
όποτε θέλει να τα βλέπει
αυγή χαμένης μέρας.
Όσο για σένα κόσμε
που καταδέχεσαι να ζεις
όσο έχει την ανάγκη σου η τύχη
για να καρπούνται τα δεινά
την εύφορη αντοχή σου,
που εξευτελίζεσαι να ζεις
για να σου πει μια καλησπέρα το πολύ
κατά τον διάπλου
ένα εγγαστρίμυθα ολόγιομο φεγγάρι
τι να σου πως
χαίρε κι εσύ.
*
Hail Never
Tonight the Salutations came to an end
those I’m sending you are endless
and hail hail divine willingness’s
refusal to convey them to you.
Violets fall into a swoon
from the mild weather’s
embrace, understandably tight—
it hasn’t seen them since last year.
Hail to you, flowers’ constancy
in your regular return
hail no-return’s constancy
respectful ofthe dead to the letter.
Hail darkness’s embrace
that you welcome, understandably tight—
it hasn’t seen you since before you were born.
Hail your eyes’ fear of opening
hail the unhoped-for promise, full of grace,
that someday your gaze again may take courage
and open a path to my terrified gaze.
Hail your eyes’ fear of opening
– memory’s free pass for
a lost day’s dawn
to go see them whenever it likes.
As for you, world,
condescending to live
as long as fortune needs you
so hardships reap the fruits
of your fertile endurance,
abasing yourself to live
so that a ventriloquist full moon
may bid you good evening
during transit
what more can I say
hail you too.
***
Kikí Dimoulá (née à Athènes en 1931) – Je te salue Jamais (Χαίρε ποτέ, 1988) – Le peu du monde/Je te salue jamais (Poésie/Gallimard, 2010) – Traduit du grec par Michel Volkovitch – The Brazen Plagiarist: Selected Poems (Yale University Press, 2012) – Translated by Cecile Inglessis Margellos and Rika Lesser.
[…] a través de Kiki Dimoula – Je te salue jamais — BEAUTY WILL SAVE THE WORLD […]
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Kiki Dimoula – Je te salue jamais — BEAUTY WILL SAVE THE WORLD – Arte y Cultura Perú said this on août 2, 2018 à 2:14 |
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Vincent said this on août 2, 2018 à 5:25 |
Et que vive la poésie libre !
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schabrieres said this on août 2, 2018 à 10:25 |
Final du texte d’André Laude, « Poésie urgente »
La poésie est ce dont l’homme – même s’il l’ignore ou feint de l’ignorer – a le plus besoin pour tracer au flanc du monde la cicatrice de sa dignité. La poésie : un vertige permanent entre la lune et le gibet.
Sans Poésie – libre, follement libre – l’univers serait boule morte. La poésie aux lèvres
rouges : la potion magique pour guérir, peut-être, l’angoisse électrique de l’inconnu qui écrivit une certaine heure de fièvre sur les murs de Mai 1968 : « Y a-t-il une vie avant la mort ? »
André LAUDE
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Vincent said this on août 3, 2018 à 2:57 |
Magnifique. On ne saurait mieux définir la poésie. Merci André Laude, grand poète hélas si méconnu.
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schabrieres said this on août 3, 2018 à 4:59 |
Un peu moins méconnu grâce à toi. Je sais pas si tu parles que de cet extrait ou du texte en entier, mais tout est à prendre et à apprendre, il mériterait d’être récité tellement il est beau. J’ai rencontré Andrê Cuzon, le président de l’association des amis d’André Laude il a l’original et je l’ai photographié, j’avoue que je l’encadrerais bien pour l’exposer et pas dans les Wc !
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Vincent said this on août 3, 2018 à 5:20 |
Je parle de l’extrait et du texte en entier, que voici :
André Laude – POÉSIE URGENTE
Plus que jamais la poésie est urgente. Vitale comme le pain et le vin. Nécessaire comme la pluie et le soleil, les néons et les nuits polaires.
A l’heure où s’effondre définitivement le rêve révolutionnaire nourri d’octobre 17, à l’heure où l’abjecte massification, l’uniformisation dans le pire médiocre s’accélèrent, à l’heure où en dépit de certaines apparences, la « liberté » de l’individu – fondement incontournable de toute civilisation- rétrécit, à l’heure où les politiques s’épuisent, où les tyranneaux prolifèrent, où les nationalismes, les intégrismes se réveillent, où la pauvreté enflamme les têtes autant que les slogans stupides et simplistes, la poésie est, d’abord et avant tout, une « arme miraculeuse » (Aimé Césaire) pour la Résistance. Totale. Irrécupérable. Sur tous les fronts.
Résistance contre ce qui endeuille l’être, souille, mutile, brise, l’élan de l’individu vers le « Champ des possibles », l’immense continent de la Vie encore inconnu, qui attend son Christophe Colomb. La poésie ne relève pas des dogmes établis. Elle est cet outil pour l’homme qui lui permet de prendre la mesure de sa non-finitude, de sa majesté et de son mystère émouvant et inépuisable. Elle est le vent qui le pousse dans le dos dans sa marche à l’étoile, l’éclair qui l’arrache à l’humus pour le projeter à hauteur d’astres de plomb et de feu.
Langages, étranges copulations de mots, bouleversements de syntaxes, volontés de dialogue, énoncés du monde sensible, fouillements des ténèbres, cris d’amour, d’humour surtout « noir », enracinements dans l’errance, la glèbe ou la « big city », explosions de désespoir qui s’ouvre curieusement sur quelque innommable espérance, la poésie est aussi, dans sa plus haute condensation, germination, acte.
Acte qui implique que tout poète authentique, fut-il élégiaque et soumis aux subtils secrets métaphysiques, est un réfractaire, un vrai outlaw, Hölderlin, Rimbaud, Maïakovski même combat ! Poètes Solitaires. Poètes Solidaires. Jusqu’au revolver, la jambe pourrie, la raison « saccagée ».
La poésie est ce dont l’homme – même s’il l’ignore ou feint de l’ignorer – a le plus besoin pour tracer au flanc du monde la cicatrice de sa dignité. La poésie : un vertige permanent entre la lune et le gibet.
Sans Poésie – libre, follement libre – l’univers serait boule morte. La poésie aux lèvres rouges : la potion magique pour guérir, peut-être, l’angoisse électrique de l’inconnu qui écrivit une certaine heure de fièvre sur les murs de Mai 1968 : « Y a t-il une vie avant la mort ? »
André Laude
***
Ce texte publié par Yann Orveillon en revue fut écrit vers 1990 pour un projet de manifestation de l’association Les Voleurs de Feu, avec la mairie de Chateauroux, qui n’a pas eu lieu.
Les amis d’André Laude
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schabrieres said this on août 4, 2018 à 2:24 |