Lou Andreas-Salomé – Prière à la Vie (Gebet an das Leben, 1882)
Certes, comme on aime un ami
Je t’aime, vie énigmatique –
Que tu m’aies fait exulter ou pleurer,
Que tu m’aies apporté bonheur ou souffrance.
Je t’aime avec toute ta cruauté,
Et si tu dois m’anéantir,
Je m’arracherai de tes bras
Comme on s’arrache au sein d’un ami.
De toutes mes forces je t’étreins!
Que tes flammes me dévorent,
Dans le feu du combat permets-moi
De sonder plus loin ton mystère.
Être, penser durant des millénaires!
Enserre-moi dans tes deux bras :
Si tu n’as plus de bonheur à m’offrir –
Eh bien – il te reste tes tourments.
*
Gebet an das Leben
Gewiß, so liebt ein Freund den Freund,
Wie ich Dich liebe, Rätselleben –
Ob ich in Dir gejauchzt, geweint,
Ob Du mir Glück, ob Schmerz gegeben.
Ich liebe Dich samt Deinem Harme;
Und wenn Du mich vernichten mußt,
Entreiße ich mich Deinem Arme
Wie Freund sich reißt von Freundesbrust.
Mit ganzer Kraft umfaß ich Dich!
Laß Deine Flammen mich entzünden,
Laß noch in Glut des Kampfes mich
Dein Rätsel tiefer nur ergründen.
Jahrtausende zu sein! zu denken!
Schließ mich in beide Arme ein:
Hast Du kein Glück mehr mir zu schenken
Wohlan – noch hast Du Deine Pein.
***
Lou Andreas-Salomé (1861-1937) – Ma vie (PUF) – Traduit de l’allemand par Dominique Miermont et Brigitte Vergne.
Merci. Je ne connaissais pas ce beau poème de l’un des plus grands génies de l’humanité, ce cette femme adorable « La plus intelligente et la plus douée des femmes […] prompte comme un aigle, brave comme un lion. » Il est des êtres féminins géniaux.
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Don jusqu’au sacrifice… Belle écriture à l’âme généreuse
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« (…) Cela reste, en la femme, la puissance simplement dominante, qui proclame souverainement comme le principe suprême de tous les principes, ce postulat : ce qui ne pénètre pas dans notre sentiment n’occupe pas longtemps notre pensée »
« C’est pourquoi la concurrence intellectuelle et pratique qu’elle peut, par principe, engager avec l’homme –cette manière de vouloir prouver qu’elle est son égale, dans n’importe quel métier particulier, et peut aussi bien faire que lui – est une véritable monstruosité, et l’ambition toute extérieure qui s’éveille ainsi en elle est à peu près la qualité la plus mortelle que la femme puisse cultiver. Car c’est précisément l’absence de cette ambition qui constitue sa grandeur innée : l’assurance que point n’est besoin d’administrer une telle preuve pour sentir en soi, en tant que femme, la plus noble justification de son être : n’avoir qu’à étendre alentour ses branches à l’ombre généreuse, pour le repos du passant fatigué, la réconfort de l’assoiffé, sans se soucier de savoir combien de fruits pourraient être décomptés au marché, dans le monde du dehors ».
(Eros, Lou Andrea Salome)
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A reblogué ceci sur Bonheur des yeux et du palaiset a ajouté:
Muse de Nietzsche, de Rilke, amie de la Anna Freud.
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