Philip Larkin – La meilleure compagnie

Quand j’étais enfant, je pensais,
Comme ça, que la solitude
N’avait pas besoin d’être recherchée.
Quelque chose que chacun avait,
Comme la nudité, à portée de main,
Pas spécialement bonne ou spécialement mauvaise,
Une chose abondante et évidente
Pas du tout dure à comprendre.

Puis, après vingt ans, elle est devenue
À la fois plus difficile à obtenir
Et plus désirée – quoique
Plus indésirable ; car ce que
Vous êtes, seul, doit, pour atteindre
À la dignité d’un fait, être exprimé
En fonction des autres, ou alors c’est juste
Un faire-semblant compensatoire.

Mieux vaut rester en compagnie !
Pour aimer vous devez avoir quelqu’un d’autre,
Donner requiert un légataire,
Les bons voisins aspirent à à des paroisses entières
Sur qui pratiquer – en bref,
Nos vertus sont toutes sociales ; si,
Privé de solitude, vous rongez votre frein,
Il est clair que vous n’êtes pas de l’espèce vertueuse.

Rageusement, donc, je ferme ma porte à clef.
Le chauffage siffle doucement. Le vent au-dehors
Annonce un soir de pluie. Une fois de plus
La conciliante solitude
Me soutient sur sa paume géante ;
Et comme une anémone de mer
Ou un simple escargot, là, précautionneusement,
Se déploie, émerge, ce que je suis.

*

Best Society

When I was a child, I thought,
Casually, that solitude
Never needed to be sought.
Something everybody had,
Like nakedness, it lay at hand,
Not specially right or specially wrong,
A plentiful and obvious thing
Not at all hard to understand.

Then, after twenty, it became
At once more difficult to get
And more desired – though all the same
More undesirable; for what
You are alone has, to achieve
The rank of fact, to be expressed
In terms of others, or it’s just
A compensating make-believe.

Much better stay in company!
To love you must have someone else,
Giving requires a legatee,
Good neighbours need whole parishfuls
Of folk to do it on – in short,
Our virtues are all social; if,
Deprived of solitude, you chafe,
It’s clear you’re not the virtuous sort.

Viciously, then, I lock my door.
The gas-fire breathes. The wind outside
Ushers in evening rain. Once more
Uncontradicting solitude
Supports me on its giant palm;
And like a sea-anemone
Or simple snail, there cautiously
Unfolds, emerges, what I am.

***

Philip Larkin (1922-1985)La vie avec un trou dedans (Thierry Marchaisse, 2011) – Traduit de l’anglais par Guy Le Gaufey & Denis Hirson.

~ par schabrieres sur novembre 14, 2018.

Une Réponse to “Philip Larkin – La meilleure compagnie”

  1. […] via Philip Larkin – La meilleure compagnie […]

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