Jorge Luis Borges – Absence (Ausencia, 1923)
Je devrai donc la soulever, la vaste vie
qui reste aujourd’hui même ton miroir
chaque matin je devrai donc la rebâtir.
Tu m’as quitté ; depuis,
combien de lieux devenus inutiles
et privés de sens, comme
des lampes à midi.
Soirs, nids de ton image,
musiques où toujours tu m’attendais,
paroles de ce temps passé,
je devrai vous briser de mes mains.
Dans quel ravin réfugier mon âme
pour ne plus la voir, cette absence
qui brille comme un terrible soleil
définitif, sans couchant, sans pitié ?
je suis cerclé par ton absence
comme la gorge par la corde,
Comme qui coule par la mer.
*
Ausencia
Habré de levantar la vasta vida
que aún ahora es tu espejo:
cada mañana habré de reconstruirla.
Desde que te alejaste,
cuántos lugares se han tornado vanos
y sin sentido, iguales
a luces en el día.
Tardes que fueron nicho de tu imagen,
músicas en que siempre me aguardabas,
palabras de aquel tiempo,
yo tendré que quebrarlas con mis manos.
¿En qué hondonada esconderé mi alma
para que no vea tu ausencia
que como un sol terrible, sin ocaso,
brilla definitiva y despiadada?
Tu ausencia me rodea
como la cuerda a la garganta,
el mar al que se hunde.
***
Jorge Luis Borges (1899-1986) – Ferveur de Buenos Aires (Fervor de Buenos Aires, 1923) – L’or des tigres (Gallimard, 1976) – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Nestor Ibarra.
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~ par schabrieres sur novembre 4, 2009.
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